Pour permettre aux cultivateurs de sélectionner des blés qui conviennent à leur terroir, Li Mestère a constitué une collection de blés contenant des centaines de variétés. Ces variétés viennent principalement de différentes associations membres du Réseau Semences Paysannes. Une collection de blé doit être ressemée régulièrement. Les précieuses variétés de blé sont ainsi maintenues vivantes et dynamiques. Elles continuent à évoluer avec le changement climatique et sont plus vigoureuses que lorsqu’elles sont maintenues dans des frigos pendant de longues périodes. Mais ce travail demande un engagement annuel de la part de citoyens-jardiniers amateurs ou professionnels qui chaque année cultivent quelques mètres carrés de blés dans l'optique de pérenniser une ou plusieurs variétés.
Et en pratique comment on fait ?
Chaque année au mois de septembre, les blés qui ont été récoltés pendant l'été sont battus, pesés et inventoriés. Ensuite les conservateurs sont contactés. Chaque conservateur reçoit une ou plusieurs variétés dont il devra prendre soin. Le semis a lieu d'octobre à novembre pour les blés d'hiver et de mars à avril pour les blés de printemps. Le blé est une plante qui se débrouille très bien toute seule, mais un ou plusieurs désherbages attentifs avant l'hiver et/ou au printemps peuvent s'avérer utiles. Pour vous permettre de mener à bien la culture du blé qui vous est confiée, Li Mestère vous fournit un mode d'emploi, des informations sur la ou les variétés cultivées et sur le blé en général, ainsi que l'accès à une liste de diffusion ou vous pourrez échanger vos observations, remarques et questions. Après la récolte d'été nous nous rassemblons pour battre ensemble les épis récoltés et échanger nos observations.
Pourquoi une collection maintenue par des jardiniers ?
Parce que c'est par la semence que tout commence ... Autrefois chaque paysan conservait une ou plusieurs variétés adaptées à son terroir, mais actuellement les blés de pays ont presque disparus des champs et ce sont les variétés modernes des semenciers qui les ont remplacés. Pour retrouver de la biodiversité dans les champs il est nécessaire de faire appel aux citoyens-jardiniers pour :
sauvegarder la biodiversité
Il y a moins de 100 ans chaque agriculteur possédait une ou plusieurs variétés adaptées à son environnement (terroir, climat, conditions de culture). Ces dernières décennies ce sont les producteurs de semences qui ont proposé des blés à haut rendement et de qualité boulangère, mais dépendants des intrants puisqu'il fallait adapter l'environnement à la plante. Aujourd'hui les blés sont conservés dans des frigos pendant 10, 15 ou 20 ans dans les banques de gènes réfrigérées. Cela leur permet de garder des milliers de semences, mais progressivement elles perdent leur capacité germinative. De plus la culture en centre de recherche se fait par autofécondation avec un nombre de graines réduit, ce qui aboutit nécessairement à une perte de diversité génétique intra-variétale. Or cette diversité génétique au sein d'une variété permet à la variété de s’adapter rapidement aux variations du milieu. Les centre de recherche ont permis de limiter la perte de la biodiversité cultivée (perte estimée à 75% en quelques décennies) mais ne suffisent pas à sécuriser la conservation des semences. La conservation dans les champs et les jardins est leur complément indispensable, seule à même d'assurer le renouvellement et l'adaptation constante des semences aux évolutions climatiques, techniques, sociales, …
2 exemples de la perte de diversité : En 1936 un chercheur Suisse a collecté plus de 120 épeautres en Fagne-Famenne-Ardenne-Lorraine Belge. En 2017 il y a 5 variétés d'épeautres inscrites au Catalogue national belge des variétés de plantes agricoles et de légumes : Cosmos, Epanis, Ressac, Sérénité, Stone. Dans l'ensemble des catalogues européens il y a 60 variétés inscrites. C'est à dire à peine la moitié sur une superficie au moins 1500 fois plus grande. Dans les années 1960 un chercheur a collecté les blés du Pays de Redon en Bretagne. 330 échantillons ont été catégorisés dans une région de moins de 1000 km². En 2017, 40 variétés sont inscrites au catalogue national pour toute la Belgique, 423 variétés en France et 2450 variétés inscrites pour toute l'Europe. La densité de la diversité des blés dans la région de Redon en 1960 est plus de 1300 fois supérieur à l'ensemble des blés autorisées à la vente et à la culture en Europe en 2017.
retrouver le droit à l'autonomie semencière
Avant les paysans était autonomes mais n'étaient pas libres, aujourd'hui ils sont libres mais ils ont perdus leur autonomie ... La conservation de centaines de variétés de blés par les cultivateurs est actuellement impossible. Ainsi, même s'il est très encourageant de voir de plus en plus de paysans qui reproduisent à nouveau au champ leurs semences, ils ne peuvent assurer à eux seuls cette fonction de conservation in situ de toutes les variétés encore présentes dans les banques. Les citoyens-jardiniers qui disposent d'au moins 1 m² peuvent déjà conserver 1 variété. Il suffit de quelques outils simples pour préparer la terre et une attention particulière à quelques moments clés sur l'année pour cultiver du blé. Ensemble il est donc tout à fait possible de conserver une véritable collection de blé vivante et dynamique.
pré-multiplier les variétés pour les paysans
Les citoyens-jardiniers peuvent être utile également pour la pré-multiplication de variétés. En effet de par le soin qu'ils peuvent apporter à la culture de quelques grammes de blé, ils peuvent rapidement multiplier une ou plusieurs variétés recherchées par des cultivateurs. En partant de 10 grammes on obtiendra (si tout se passe bien) une récolte 20 fois supérieure, soit 200 grammes. De la première à la troisième année de culture on passera de 200 g à 4 kg puis 80 kg.
recréer le lien avec les paysans
Les récoltes, les battages et les semis sont des moments où un travail collectif peut avoir lieu. Une partie de la collection est semée directement chez des agriculteurs qui ont toujours besoin d'aide pour le travail manuel (désherbage, comptage, récolte) sur les micro-parcelles de blé. C'est l'occasion de se rencontrer, d'apprendre à se connaître et à connaître les blés, d'échanger des points de vue, de partager des expériences. Le battage se vit un peu comme une fête lors de laquelle les gerbes de blé moissonnées chez chacun sont battues pour récolter les précieux grains de blé. Ceux-ci sont pesés, étiquetés et inventoriés, prêt pour un nouveau semis …